Eh oui, Jérôme Mardaga et votre serviteur, nous nous sommes fait la Chine et nous avons revu en profondeur la musique de mon dernier album « Le Bruit et la fureur » pour que ça passe avec juste nos deux guitares.
Cette formule inédite a rencontré un grand succès devant des salles combles à Pékin, Shanghai, Wuhan, Xi’An, Tianjin, … Ca fait tout drôle de cartonner chez les Chinois. On a presque envie de vouloir reconquérir notre public belge, juste pour être sûr qu’on reste enraciné dans notre propre vécu, nos amours, nos histoires à la belge et notre goût prononcé pour des bières inexportables (sauf en Chine, vous l’aviez compris).
La tournée chinoise, j’en rêve encore, la nuit… plus de monde en une fois que sur la place de la Concorde un jour de grève générale. Et tous avec le sourire. Le choc de face ! Jérôme Mardaga a tout compilé dans un très beau carnet de voyage que j’ai décidé de partager avec vous. Tout y est, enfin presque…
PREMIER JOUR
Le vol m’a semblé court, côté fenêtre. Olivier a connu l’enfer. On a sifflé quelques très moyens cognacs. La Baltique et son découpage particulier comme paysage d’adieu à l’Occident au coucher du soleil. Je n’ai quasiment pas dormi. Sont apparues la Mongolie et enfin la Chine. Le survol de la Chine était vraiment étrange, relief plat avec d’immenses montagnes dans le fond et de drôles de villes quadrillées, où rien ne dépasse. Impression de jeu vidéo voire de circuit imprimé.
L’aéroport de Pékin est gigantesque. Tout s’est passé en douceur à l’immigration, pas de questions, à peine un regard, un grand trait informe sur mon visa. Nous sommes pris en charge par Huiqi, une jeune chinoise qui parle français et qui est l’attachée de presse. Très sympa.
L’hôtel est ok, pas miroitant non plus mais typique avec ses décorations rouges et or. Olivier a déjà explosé son sèche-cheveux. Nous nous trouvons dans un quartier attachant, parcouru d’innombrables ruelles piétonnes avec des tas de boutiques, des enseignes colorées, des restaurants. C’est à la fois moderne et délabré. La circulation est vraiment féroce et pourrait se résumer à un concert de Klaxon permanent. Il y a plein de crachats par terre. J’ai vu des chats dans des cages sur le trottoir. Il y a des voix dans des hauts parleurs partout et tout le temps et tu ne comprends rien. De la publicité, des diseurs de bonne aventure. L’atmosphère trop sèche vibre de vie. Et les chinois fument comme des turcs.
On est allé dîner dans un grand resto, très bon et beaucoup trop en quantité. J’ai du mal avec les baguettes. Ensuite on a fait une ballade jusqu’à la Tour des Tambours et la Tour au Clocher. Bâtiments médiévaux impressionnants. J’ai enregistré le son des tambours. Un calme serein régnait sur la place rectangulaire qui sépare les deux tours. J’y ai pris mes premières photos de la Chine. C’est un curieux de mélange, à la fois vieux et moderne. Très sale. L’agencement des rues et des ruelles me fait penser à l’Amérique du Nord, alignement orthogonal, fouillis de câbles électriques. Les avenues et les trottoirs sont très larges et les ruelles sont bordéliques. Pas de sentiment d’insécurité, les gens ont l’air tranquilles. Je ne comprends pas un traître mot, ce qui accentue la sensation d’éloignement. Ensuite il nous a fallu dormir un peu, le drôle de sommeil du décalage horaire, l’impression de dormir toute une nuit alors que seulement deux heures se sont passées.
A la nuit tombée, nous avons expérimenté la fondue chinoise devant l’hilarité de la serveuse. Nous faisons tout de travers. Nous rions beaucoup, quelque peu incrédules d’être là. De retour à ma chambre, la 206, je contemple le lit, la petite fenêtre carrée bardée de ses volets rouges donnant sur la ruelle, les dragons dorés. Je me sens très loin de la maison. Je n’ai jamais été aussi loin. Et le décor insiste et me le prouve. Le jetlag s’occupe de saboter mon sommeil.
DEUXIÈME JOUR
Café-croissant dans le Hutong derrière l’hôtel, petit lieu branché avec du jazz. Grand soleil froid. Tournage. Nous cherchons un spot qu’Olivier a repéré sur sa carte pendant deux heures sans savoir que nous nous y trouvions au départ. Il est très difficile de trouver un lieu dans lequel tu te trouves déjà. Nous déambulons dans le Temple de la Terre, immense et serein, verdure et vieilles toitures. Un cerf-volant rouge vif se détache sur l’azur. Nous revenons sur nos pas en taxi et déambulons dans le hutong ceinturant le Temple de Confucius, on s’y perd mais les photos sont belles. On s’installe finalement pas loin de l’hôtel en pleine rue pour filmer deux chansons, « Le Bruit et la Fureur » et « Les Mains qui tremblent ». Les passants s’arrêtent, photographient, filment, applaudissent.
Nous avons ensuite été conduits à la délégation de l’ambassade de Belgique dans le quartier des affaires. Grands boulevards, hautes tours, froid et impersonnel. Le délégué de l’ambassadeur nous a reçu, très aimable, visiblement ravi de nous recevoir. Beaux bureaux avec un poisson rouge dans un bocal carré sur la table de conférence. Thé vert pour tout le monde. Nous sommes invités à souper chez lui vendredi ou samedi soir, je ne me souviens plus. Il paraît que c’est le protocole qui veut ça… A l’entrée du bâtiment de la délégation, des militaires en armes (et pas du léger) nous ont fait le salut militaire, garde à vous et tout le bazar. Ils portent des chapkas absolument magnifiques mais il est interdit de les prendre en photo. Sinon prison. Comme nous l’a dit le Délégué, Philippe de son prénom, la Chine est un pays sous haute surveillance. Le gouvernement est extrêmement vigilant à tout ce qui se passe. Et les concerts de rock sont tout juste tolérés.
Ensuite direction soundcheck dans un petit théâtre où il fait très froid. On a fait connaissance avec nos homologues suisses et québécois. Cool de voir un peu de l’européen et du même métier que nous. Mais ce fut bref. Sur le chemin en voiture, Huiqi m’a demandé si je m’y connaissais en technique de son car il n’y a pas d’ingé-son !!! Les embouteillages sont gigantesques ici. Ça prend des plombes et ils roulent comme des ftdtctcgc !!!!!!!!! Donc en bref, ils organisent demain un showcase destiné à une centaine de journalistes et d’officiels triés sur le volet, ce truc est organisé à la minute près (genre vous montez sur scène à 11h26 et vous terminez à 11h42, je n’exagère pas) et ils n’ont pas prévu d’ingé-son. Je m’y suis donc collé.
Après ça taxi jusqu’à l’hôtel pour déposer le matos et filer dans un resto typique avec Huiqi. Menu en chinois, éclairage blafard aux néons et canard laqué. Assez fameux mais les quantités ne sont pas possibles. Je vais rentrer complètement gros !!! Olivier s’obstine à manger végétarien et il a trouvé ça dégueulasse. Ensuite nous avons erré dans les Hutongs (ce sont les petites ruelles innombrables qui quadrillent la ville, notre hôtel est dans un de ceux-ci) à la recherche d’un bar sympa. Que nous avons finalement trouvé pour y siffler deux Orval à un prix impossible. Je suis passé devant un bar ou il y avait plein de Maine Coons, à l’intérieur, un sur le comptoir, deux sur des tables, un autre sur une chaise. Au milieu des clients. On voit aussi des rats qui traversent les ruelles. Il est minuit. Le jetlag prend le relais.
TROISIÈME JOUR
Le matin il y avait devant l’hôtel, dans les jardins, des gens alignés qui faisaient une espèce de yoga sur de la musique orientale. Et tout ça à 15 mètres du périphérique intérieur déjà saturé par les embouteillages. Et puis, toujours dans les jardins j’ai remarqué, pendues dans les pins, des tas de cages avec des oiseaux à l’intérieur. Et à proximité de vieux monsieurs. J’ai compris qu’ils promenaient leurs oiseaux car toutes ces cages ne se trouvaient pas là les matins précédents. Vraiment particulier. Genre : « hé Chou ! As-tu pensé à sortir le merle aujourd’hui ? ».
Le showcase s’est déroulé comme sur des roulettes. On a bien joué le truc, « Amants passagers » et « Le bruit et la fureur ». On est arrivé tôt dans un froid glacial au théâtre, café, café, café et puis j’ai refait un soundcheck pour tout vérifier avant l’arrivée des invités. Un des amplis Fender déconnait à fond la caisse et je lui ai réglé son compte en tapant dessus. Beaucoup de monde, des journalistes, des officiels style ambassadeurs et tout ça. De longs discours traduits en chinois. On a fait la connaissance des autres groupes qui sont sur la tournée. Des suisses un peu à la masse mais charmants (Adieu Gary Cooper), les québécois rappeurs Webster, vraiment cools avec qui le courant passe vraiment bien et les français dont j’ai oublié le nom tellement ils sont ennuyants, compliqués et hautains après 30 secondes. Nous les Belges nous passons pour des gens un peu mystérieux et la musique qu’on propose va dans ce sens-là, planante et murmurée avec de belles guitares. Toute la délégation nous a félicité après la prestation. Ensuite photos, interviews, poignées de mains, bla-bla-bla. J’ai passé un peu de temps sur le toit du théâtre où siège une belle terrasse en bois d’où j’ai pu admirer l’enchevêtrement inextricables des maisons et ruelles alentours. L’air est calme.
Nous avons ensuite flâné dans un hutong blindé de monde avant de trouver le resto sur une grande avenue. Il fait beau mais assez froid. Ensuite retour hôtel et on a enchaîné directement sur le temple du Lama, à deux minutes à pied. Grosse claque. Genre pas un mot prononcé tout le long de la visite tellement le lieu est prenant et intimidant. Extrêmement apaisant aussi. Ça calme. Très très beau. Des odeurs d’encens, des tas de chinois qui font des offrandes, qui se recueillent. De là nous avons entamé une longue marche sur une grande avenue commerçante et j’ai vraiment senti la fatigue, mal aux pieds, au dos, envie de dormir. Mais il vaut mieux tenir le coup le plus tard possible pour enrayer le jetlag et le drôle de sommeil qu’il engendre. C’est dans le sommeil que le temps ne s’écoule pas pareil, c’est très curieux. Le cerveau refuse le fuseau horaire dans lequel il se trouve.
Nous nous sommes offert un resto un peu plus chic à la nuit tombée, bien caché dans les ruelles. Avec un vin rouge qui réchauffe. Et pour finir nous sommes partis à la découverte d’un nouveau hutong, désert, mal éclairé et glauque. On a trouvé un bar avec de la bonne musique et éclairé à la bougie. Dans les bars dans ces ruelles il n’y a pas de toilettes. Tu dois te rendre dans des toilettes publiques disséminées un peu partout. Ce qu’on y croise, ce qu’on y respire est parfois déconcertant. Retour dans le noir et dans le froid, les rues étonnamment désertes.
QUATRIÈME JOUR
Réveillé trop tard, 13h, mais première nuit complète, ça repose. On est allé vite fait se prendre un café croissant dans le hutong. Ensuite j’ai monté dare dare tout le matos dans ma chambre pour faire une répétition pour le concert de demain. Grosso merdo on a un set de 60 minutes et on est censé jouer 90 minutes demain soir à Tianjin. Je ne sais pas encore où on va aller trouver la demi-heure manquante. Mais bon, vu qu’ils ont la fâcheuse tendance à changer tout en dernière minute… Ils vont peut-être nous de demander de jouer 3 heures… Va y avoir de l’impro !
Ensuite on est parti avec Huiqi, notre chauffeur et notre Volvo diplomatique svp vers une des nombreuses universités de la ville, pour l’atelier dans la faculté des langues étrangères. Nous y avons fait la connaissance de Corinne, le prof de français, qui a organisé tout le truc. Entrée gardée par des mecs en uniforme, casques et armes, enfin soit. Nous y ont rejoins le groupe suisse, toujours un peu à la masse mais très sympa. Donc nous voilà dans une classe remplie d’étudiants chinois. Présentations et j’ai commencé par « Ostende », les suisses ont suivi. Et puis on a eu droit à quatre exposés concoctés par les étudiants, sur la vie à Pékin, la scène musicale chinoise, … Questions réponses. Ils sont extrêmement timides, ils n’osent pas te regarder quand ils te parlent. Mais le tout avec humour et avec le sourire. Ensuite Olivier a chanté « Une fille m’a dit ». Et de nouveau questions réponses. Ils parlent très très bien le français, assez épatant. Mais très timides.
De là, alors que le jour tombe, direction l’appartement de l’ambassadeur et embouteillages interminables. Pékin est gigantesque, 4 fois la taille de Paris pour 22 millions d’habitants. On a acheté des fleurs pour madame l’ambassadrice et du vin pour l’ambassadeur, histoire de ne pas arriver les mains vides. En attendant qu’Olivier fasse ses emplettes, alors que le jour est tombé, je fais quelques pas autour de notre voiture. J’entends les échos lointain d’une musique très belle qui ondule doucement dans le froid du soir. A nouveau, gardes et barrières devant l’entrée de la résidence, ascenseur jusqu’au 12e étage. Accueil chaleureux par un majordome chinois, vestiaire, courbettes et tout le bazar. Philippe et Myriam nous accueillent vraiment chaleureusement, à l’amicale. Sont présentes aussi Huiqi, deux organisatrices du concert de demain à Tianjin, deux journalistes d’une grosse station de radio ainsi que Corinne la prof de français. Champagne, petit fours, caviar, saumon, appart de luxe, œuvres d’art dans des vitrines, meubles anciens, tableaux signés, marbres, colonnes orientales, vue imprenable sur la skyline de Pékin et la ronde des deux majordomes. Plus les gens en cuisine que nous ne verrons que très peu. Ceci-dit, tout se passe à la bonne franquette et avec beaucoup d’humour. Philippe et Myriam sont très sympas. En gros ils vont de pays en pays depuis 32 ans : Burundi, Zaïre, Comores, Canada, Rwanda, Chili, France, Chine, … Ils connaissent personnellement Philippe et Mathilde et se foutent tout doucement de leurs gueules. Marrant ! Je n’ose imaginer le loyer d’un endroit comme celui-là. Sur la table à manger, des cartons avec nos noms et des menus imprimés, le tout avec le coq wallon rouge en tête. Bons vins, bonne bouffe. La ronde des majordomes. En face de moi une journaliste qui ne me lâche pas une minute, à mon grand désespoir. Elle me pose foule de questions en anglais pendant près d’une heure et j’ai du mal à manger mes asperges à la flamande. Le dîner se passe et je me retrouve à causer avec Myriam de plus en plus en verve au fil des verres de vin blancs. Après le dîner, interview avec la journaliste et puis café, cognac, re cognac et l’ambassadrice qui ne s’arrête plus de causer. Pas de Ferrero rochers !!!!!! On n’ose pas lâcher la vanne 😉
Ensuite nous prenons congé et nous voilà dans le quartier chicos en train de héler un taxi pour rentrer. Direction Lama Temple et hôtel. Une fois rentrés dans notre secteur, direction boire des bières dans un club rock à proximité et de taper la discute avec un californien. On a fait la fermeture. La bière locale « Tiger » est dégueulasse et les chinois ne savent pas boire. Une fois bourrés, leurs yeux font des drôles de trucs. On essaye de ne pas trop rigoler quand même. Il est 4 heures du matin.
CINQUIÈME JOUR
Réveil pénible, nuit courte, c’est ce qui arrive quand on traîne dans les clubs de rock jusqu’à pas d’heure. Sortie à l’aube en solitaire pour un café et des cigarettes. Ciel gris, pas les nuages mais la pollution et le froid. Plein de gens qui attendent l’ouverture des grandes portes rouges du Temple du Lama. Tous les marchands d’encens et d’offrandes sont ouverts. De la musique dans la rue. J’ai remarqué qu’il y’a souvent, très souvent de la musique dans les rues. Des musiques calmes, ambient, j’adore. Il faut tout plier pour le voyage à Tianjin mais je laisse ma grosse valise ici. Je prends juste le nécessaire. Lui, notre chauffeur, passe nous prendre et nous voilà en toute pour la gare du sud. Qui par sa taille ressemble plutôt à un aéroport. Des flics partout, mitrailleuses, des chiens. Aussi les hôtesses des trains, magnifiquement habillées. Tu dois passer des contrôles, fouille au corps et tout le bazar. La gare est gigantesque. Les gens nous regardent, deux occidentaux avec leurs guitares et l’air égaré. Certains prennent des photos à la sauvette. Ce sont les filles d’Eurovista, l’organisateur du concert de ce soir qui nous accompagnent. Je n’ai pas réussi à retenir leurs prénoms. Hop dans le train et on file à 300 à l’heure vers Tianjin.
Le temps reste bouché, une drôle de lumière grise et jaune. Blafarde. Il y 10 degrés. Alors s’offre à moi un spectacle ahurissant. On traverse la campagne complètement plate et roussie par l’hiver. Les seuls arbres sont des espèces de baguettes soigneusement alignées. Il y a des champs dans lesquels on voit par moments des groupes de gens qui ont l’air de fouiller le sol. Et puis des espèces de villages miséreux qui ressemblent foutrement à des camps de travail. Les maisons sont comme les arbres, parfaitement alignées et les villages sont entourés par des murs. Et puis surgissent des tours très hautes, toujours parfaitement alignées, par groupe de 10 ou 15. Des tours d’habitation au milieu de rien qui surgissent dans la drôle de lumière polluée. On se croirait vraiment dans un film de science-fiction qui dépeindrait la vie humaine après un accident écologique catastrophique. Vision pessimiste d’un avenir pas si lointain, ce genre de chose. Ça m’a marqué. C’est glaçant. Il y a des rivières avec des troupeaux de chèvres et la surface de l’eau est jonchée de trucs en plastique, de morceaux de bois, de mousse. On se croirait tout à fait après un accident nucléaire. Paysage désolé, plat avec ces cités fantomatiques. Des gens vivent là- dedans… Tu as l’impression que tout est mort, vitrifié, que tout est pollué, empoisonné.
Et fatalement on arrive à Tianjin, petite ville de province de 12 millions d’habitants. Des tours très hautes, des ponts, à nouveau une gare gigantesque. Le taxi nous mène à l’hôtel et l’ascenseur me mène à ma suite, la 2709, au 27e étage. Je n’ose pas trop regarder par la fenêtre à cause du vertige. La vision est pareil que dans le train, fantomatique, inhospitalière, tout est gris et jaune, il y a cette drôle de brume translucide partout. Les voitures sont couvertes d’une fine couche de poussière sale. Les tours sont gigantesques, la ville est gigantesque. Même au 27e étage, c’est perte de vue des toits et des tours. Il n’y a pas de quatrième étage en Chine car le chiffre 4 symbolise la mort. Pas de 13e étage non plus. Et le rez de chaussée équivaut au premier étage. Donc j’ai une belle suite, salon, chambre, cuisine, le grand luxe. On est vite allé avaler un burger avec Olivier avant de piquer une sieste d’une heure. Et puis direction le théâtre accompagné d’une équipe de télévision, qui filme et dirige les moindres de nos faits et gestes. C’est marrant mais vite casse couille. Du genre attendez on va la refaire, pouvez-vous repasser par ici ou par-là, plus comme ceci ou plus comme ça. Vu que personne ne parle français, on rigole et on lâche des vannes.
A quelques pas de l’hôtel on débarque sur une immense esplanade avec un lac et des places, l’immense théâtre ultra moderne dans lequel on va jouer. A nouveau le spectacle est saisissant. J’ai l’impression d’une autre planète encore une fois. On dirait un site d’atterrissage de vaisseau spatial. C’est un décor de film de science-fiction. 2089 ou quelque chose comme ça. Je suis sur le cul. Je n’aime pas mais c’est fascinant. C’est archi moderne, archi propre, carré, courbé, sphérique, rectangulaire. C’est immense. On se lance dans le soundcheck dans la très grande et belle salle du théâtre. Amplis Marshall, on agence un peu le matos, on fait un beau plateau symétrique. On s’en sort bien avec le son. Mon boulot porte ses fruits, l’iPad est vraiment un bon outil. Bref ça marche. Malgré les barrières de la langue en une heure on arrive à un résultat qui nous plait. Mais la salle est immense…
Pendant qu’Olivier se détend un peu dans les loges, je sors un peu à nouveau pour marcher le long de l’esplanade de science-fiction. Je suis vraiment sur le cul. Avec la lumière, on se croirait dans un film. Genre l’espèce humaine à dû évacuer la terre et est arrivée sur une autre planète qui lui ressemblerait un peu mais les couleurs en moins.
Lorsqu’on monte sur scène, la salle est quasi comble. Énorme surprise. Et le public est réactif, clappe dans les mains et tout ça. On leur parle en anglais et notre premier concert remporte un franc succès. On est peu paf !!! Juste nous deux sur cette grande scène. Il y a même du public installé derrière nous en hauteur. Vraiment les gens aiment beaucoup. Pause 1/4 d’heure et on y retourne et l’ambiance est vraiment chouette. Rappel, saluts. On a bien joué. C’est un concert que je n’oublierai pas.
En sortie de scène des hôtesses nous offrent des bouquets de fleurs. Ensuite on va dans le grand hall où on est littéralement assailli par le public. Photos, autographes pendant plus d’une demi-heure. Les gens font la queue, tout sourires. Ça n’en finit pas. On a vendu tous les Cds qu’on avait apportés. Les gens ont l’air heureux, sont d’une gentillesse extrême, très respectueux et nous offrent des roses. On repartira les bras chargés de fleurs. Dont on ne sait pas très bien ce qu’on fera. Une autre planète. C’était vraiment cool, inoubliable. Franchement cela m’a ému. Ces gens m’ont ému. Je n’ai pas arrêté de dire merci.
Ensuite on devait encore faire une interview en anglais. Des gens nous attendaient encore à la sortie, re-photos et re-autographes… On est retourné à l’hôtel via la grande esplanade et à nouveau il y avait de la musique dans des hauts parleurs. On a trouvé un bouiboui familial ou manger et boire une bière ou deux. Des gens très gentils, il n’y avait que nous deux et la famille et ça a fini avec des photos et ils nous ont offert du whisky. Ils étaient très impressionnés par le fait qu’on s’était produit au théâtre. Et me voilà à 2h du matin vautré dans le canapé du salon de ma suite. Demain retour Pékin pour une date importante mais plus petite.
SIXIÈME JOUR
Retour à Pékin. Le soleil est là. Je range méticuleusement mes affaires et quitte la suite du 27e étage. Nous retrouvons notre Volvo diplomatique à la sortie de la gare et effectuons un petit détour par la place Tian an men. Passage par l’hôtel du Palais Rouge où je réintègre la 206 pour ensuite dîner dans un resto japonais qui n’avait de japonais que le nom.
Soundcheck sans histoires dans la très belle salle Yugong Yishan. Nous optons pour une longue ballade autour du lac de Quianhai. Pas lents, calme malgré la foule alors que le jour s’en va doucement et que le froid redevient piquant. Nous découvrons le métro pékinois et Olivier essaye d’apprendre désespérément quelques mots en chinois pour le concert qui nous attend.
Arrivée à la salle, pleine à craquer. Se faufiler jusqu’aux loges et se concentrer. Serrer beaucoup de mains, électricité dans l’air. Nous emmenons un très bon concert, moiteur et énergie. Ovation. Ce public est incroyable. Il me faut fendre la foule afin de regagner la loge et je croule sous les mains tendues, les cris et les sourires. Les officiels nous courent après et je dois me planquer pour pouvoir prendre un verre tranquille. Derrière la salle trône un grand palais aux allures coloniales portugaises et rend l’atmosphère encore un peu plus étrange. Nous croisons beaucoup de belges et la ronde des photos et des autographes reprend de plus belle. Nous finirons par fermer le bar.
SEPTIÈME JOUR
Réveil en catastrophe à 8h11 alors que le rdv est à 8h30. 19 minutes pour tout boucler, douche et tout le truc. Surtout ne rien oublier. Nous quittons donc définitivement l’hôtel du palais rouge. Je suis dans le brouillard complet. Le temps est gris, pollution à fond la caisse. Le nez commence à piquer.
Direction aéroport pour le vol Air China. Bâtiment démesuré, contrôles de sécurité vraiment pointus, il y a un métro dans l’aéroport pour se rendre aux portes d’embarquements. Colossal. 2h de vol jusqu’à Xi’an, Olivier roupille et je montre Dumb Ways à Huiqui qui devient presque hystérique en jouant. Très marrant.
J’explique à Olivier qui s’est réveillé quelques trucs pour qu’il arrête d’égarer constamment ses affaires. Il sème un peu partout. Toujours avoir son passeport sur soi, la carte de l’hôtel, du cash, toujours ranger les mêmes affaires aux mêmes endroits pour éviter de les chercher et de paniquer. Je vois bien qu’il n’a pas les automatismes des tournées alors je l’encadre un peu. En plus il a un mauvais sens de l’orientation, il se perdrait facilement. Atterrissage un peu brutal et on sort. L’air est chaud et humide, tout le contraire de Pékin. Soleil et pollution, encore et toujours. C’est Alicia, une liégeoise, prof de français à l’université qui nous accueille. Très sympa. On voit que les expatriés aiment voir et recevoir des compatriotes.
On roule presque une heure pour arriver à l’hôtel, situé en plein cœur de Xi’an. La ville apparaît plus aérée, très ancienne, plus douce et chaleureuse que Pékin. Plus cool. Surtout ici c’est le printemps. On voit déjà des feuilles sur les arbres, des cerisiers en fleur. Il fait chaud. Hôtel froid et impersonnel mais j’aime bien la vue de la chambre sur une rue ancienne et bordélique, remplie de petites boutiques crasseuses. Par moment on dirait un peu l’Inde.
On ne s’attarde pas et on file manger un plat de nouilles dans du potage. Le calvaire nutritif d’Olivier se poursuit. Moi je mange très gras et très bien. Déjà 15 heures et une heure de route jusqu’à l’université. On traverse des quartiers fantômes, des hautes tours désertes avec rien autour. Beaucoup d’autres en construction. La lumière vire à nouveau au jaune gris. Nous a rejoint Nicolas, un français hyper sympa, directeur de l’alliance française ici à Xi’an. Il a déjà bourlingué dans pas mal d’alliances, telles celles de Lybie, de Mauritanie, d’Algérie. On discute durant tout le trajet. Ambiance détendue, on fait connaissance.
Le campus est démesurément grand, archi moderne et triste comme la pluie. Nous sommes reçus par le directeur de la faculté et un responsable du parti communiste. Qui est là pour vérifier que « tout se passe comme eux le veulent ». N’oublions pas que la Chine est une dictature. Grand amphi avec plus de 200 étudiants. Discours et courbettes d’usages et nous voilà en train de chanter à tour de rôle. Les étudiants clappent dans les mains. C’est bon enfant. Question réponses pendant deux heures sous l’œil attentif du membre du parti. On chante avec les étudiants et tout ça. C’est très enfantin, on ne se croirait pas dans une université. Immanquablement, la séance de photos interminables après l’atelier. A nouveau ils parlent très bien le français et posent des questions vraiment intéressantes. Pour ma part je suis rincé et j’ai les yeux qui piquent.
On sort. Genre à 10 mètres de nous, une limousine avec un mec en costard noir et des gardes du corps. C’est le directeur politique donc communiste de l’université. Il envoie un de ses sbires pour nous dire qu’il apprécie vraiment notre démarche et notre investissement pour les étudiants. Pas foutu de venir nous le dire lui-même. Nous renvoyons évidemment très poliment le compliment. De nouveau une heure de route pour revenir à l’hôtel, Alicia et Nicolas sont très contents de l’atelier et on commence à péter aux blagues. Chouette ambiance.
De retour à l’hôtel on dispose d’une demi-heure avant le souper. C’est l’alliance française qui invite. Je pars me balader seul jusqu’à la porte du tambour. C’est majestueux, coloré, très grand il y a des cerfs-volants partout et ils se perdent dans la brume polluée. La nuit est tombée. Souper sympa dans le centre en compagnie des mêmes plus le groupe français, toujours aussi peu expansif, pas méga sympa. Ils arrivent 3/4 d’heure en retard et partiront les premiers. Je pose plein de questions à Nicolas et Alicia, sur les programmes de cours, la méthodologie, l’organisation, … Certaines réponses sont pour le moins déconcertantes.
Nicolas nous propose une petite marche nocturne. Nous prenons congé de Huiqi et la direction de la porte du tambour. Illuminée, immense, superbe. On discute à bâtons rompus. Ensuite on prend la Rue Muslmane, un déluge de couleur, de lumière, d’enseignes, de bouffe, de boutiques. Incroyable. Les femmes sont voilées et il y a pas mal d’inscriptions en arabe. Très étrange. On erre une heure et demi dans le quartier musulman tout en poursuivant notre conversation, tantôt sérieuse tantôt déconnante. Nicolas nous raconte la Chine, le mariage, la route de la soie, les bons endroits à Xi’an (prononcer Sian).
Et on rentre à l’hôtel à minuit. Olivier était partant pour un dernier verre mais je lui ai conseillé de prendre un bain et d´aller se coucher. Il aura besoin de sa voix dans les jours qui viennent. Je découvre tellement de choses ici, je pourrais écrire un roman. Je ne m’attendais pas à un tel choc. Je me sens vraiment privilégié de vivre une telle expérience. Dire que c’est ma guitare qui m’a emmené jusqu’ici.
HUITIÈME JOUR
Matinée libre dans l’air doux de Xi’an. Huiqi m’emmène pour une longue marche sur les remparts médiévaux qui ceinturent la ville. L’atmosphère est très calme et marcher au hasard fait du bien. Nous filons à la salle où la routine reprend. Soundcheck, concert, dédicaces. Concert et audience un peu bof cette fois. Nous terminons dans un resto un peu miteux au milieu de nulle part. La pluie tombe. Pour s’achever au Belgian bar au pied des remparts. Adieux à Nicolas.
NEUVIÈME JOUR
Wuhan ce soir. Les concerts continuent à cartonner. Encore bourré massacre ce soir, 600 personnes et un très bon show. On ouvrait et on a mis la claque. Très bien joué, Olivier a fait ce qu’il fallait pour aller chercher le public. Séance de dédicaces et photos interminable à nouveau. On resserre les liens avec les Suisses. Le guitariste a eu un souci de cassage de corde et je l’ai dépanné. Je discute beaucoup avec les jeunes qui viennent demander des photos et des autographes. Outre leur gentillesse, ils posent des questions intéressantes et ils sont plutôt malins et cultivés. Ce que je vois ici c’est une jeunesse pleine d’entrain et d’envies. Curieuse et souriante. Très dynamique à défaut d’être critique. Et ils bossent dur à l’école. Ce sont des bosseurs qui n’ont pas peur. Par exemple, une jeune fille m’a dit que la chanson « La fin du monde » lui avait fait pensé à la mythologie grecque et à la guerre de Troie. Genre 16 ans la fille. Une autre plus ou moins du même âge m’a dit qu’elle retrouvait dans notre musique l’influence de Joy Division.
Salle de concert rock typique en plein centre-ville sur une longue avenue surplombée par des tours géantes. Encore plein de bières belges au bar. Ici c’est Cong Cong qui s’occupe de nous, une petite chinoise un peu enfantine mais qui gère le truc de main de maître. Efficace, rapide, elle anticipe tout, elle assure. Et toujours avec le sourire. Elle nous accompagne à Shanghai demain. Tout près de l’hôtel il y a un chien errant vraiment sympa, qui ressemble un peu à un coyote. J’ai sympathisé avec lui, il est tout doux et très gentil. Je lui ai donné des chocolats qu’on m’avait offert. Je ne sais plus où. J’aimerais bien avoir un chien comme lui. Demain je piquerai des trucs au déjeuner et j’irai lui filerai en douce. Je l’appelle coyote. J’espère qu’il sera dans le secteur demain à l’aube. J’essaierai de prendre une photo. Dans la salle il y avait un chat, qui vit là-bas. Un tabby. Très gentil, il est directement venu pour des caresses quand je l’ai appelé. Il a eu un petit massage et il ronronnait.
En arrivant ici à Wuhan, on a traversé le Yang tsé Kiang, le fleuve jaune dont Jean Gabin parle tout le temps dans le film « Un singe en hiver » avec Belmondo. Le rythme soutenu et tous les gens qu’on rencontre, les endroits qui défilent, les avions, les vans, tout ça commence un peu à se mélanger, on perd un peu le fil. Les souvenirs s’accumulent. On a mangé dans la rue ce soir alors que Huiqi nous l’avait formellement défendu. J’ai mangé le meilleur maïs grillé de toute ma vie, des aubergines, de l’agneau, du poisson. Un régal. C’est Cong Cong qui nous a invité gentiment au frais de la délégation suisse. Ce qui le manque le plus au niveau nourriture c’est simplement du pain et du fromage. On ne trouve pas ça ici. De retour à l’hôtel je me suis rendu compte que j’avais oublié le numéro de ma chambre.
DIXIÈME JOUR
Je déteste Shanghai. Je n’y suis que depuis quelques heures, j’ai beau être logé dans un de ses plus prestigieux hôtel, je déteste. C’est bu bling bling occidental dans toute sa laideur et sa superficialité. C’est un piège à touriste friqué nouveau riche et vulgaire. Je ne suis pas déçu car je m’y attendais. Je le redoutais et ça se vérifie. Il se trouve qu’aujourd’hui je sens vraiment la fatigue, plus que les autres jours. Aujourd’hui elle est plus forte que moi. Jusque-là j’avais toujours trouvé les ressources nécessaires pour passer au-dessus. Aujourd’hui c’est elle qui a gagné. A chaque fois dans les tournées que j’ai faites, il y un mauvais jour. Un jour où on n’est y pas, un jour de blues. C’est tombé aujourd’hui. Je pensais que c’était hier.
Wuhan m’est apparue triste et inhospitalière sous la pluie mais ça m’a motivé à donner un excellent concert. Le club était vraiment cool et on a passé une chouette soirée. La grisaille de la ville ne m’a pas découragé et au final malgré un décor un peu trash, cela restera un bon souvenir. Shanghai, c’est déjà foutu. En tout cas pour ce premier jour. On est parti en ballade avec les Suisses qui sont vraiment des gens biens, sympas, courtois, blagueurs, vraiment nickel. Un plaisir. On a erré dans des petites ruelles remplies de boutiques et c’est là que j’ai senti la fatigue et l’ennui. Il y a trop de touristes, trop de clinquant, bref je n’aime pas. Ça n’a pas le charme de Pékin ou Xi An. Je ne sais plus qui m’avait prévenu, tu verras Shanghai ce n’est pas vraiment la Chine. C’est vrai.
Ensuite on s’est offert tous ensembles un resto italien pour un peu changer, pas mal mais bon… J’observe un bateau de pirate éclairé par la mansarde. Je n’arrive pas à tenir les conversations. Ensuite Olivier a insisté pour un dernier verre. À contre cœur j’ai accompagné la troupe dans un club de blues avec un groupe de blacks qui joue des reprises devant un parterre d’occidentaux plein aux as. Ambiance de merde complètement fausse que je déteste. Je me suis demandé ce que je foutais là. Pour la première fois depuis le début du voyage. J’ai salué tout le monde et j’ai pris congé. Sur le chemin du retour le long de la rivière et de la skyline, je me suis fait accoster au moins 5 fois par des rabatteurs pour des prostituées. NO WAY !!! Deux mots magiques qui les éloignent sans leur laisser une chance d’insister. J’ai trouvé un endroit un peu désert au bord de la rivière pour regarder les bateaux qui remontent la rivière en prenant un large virage, avec leurs petites lumières rouges, pour me calmer un peu.
J’ai besoin de sommeil. Il reste encore deux journées plutôt éprouvantes, demain et samedi. Deux concerts, un voyage un avion, des horaires et des pressions à gérer. Et je tiens à terminer sur une bonne note, avec le sourire. Je suis content de repasser par Pékin avant de rentrer, heureusement qu’on ne termine pas sur cette ville. Allez j’arrête de me plaindre ici, je suis quand même un sacré veinard d’être là. Demain on se lève à l’aube pour tourner des chansons live en acoustique à l’extérieur, comme on l’avait fait à Pékin. La météo a prévu de la pluie. On verra bien. Je n’ai pas revu le chien errant de Wuhan. Il avait l’air si joyeux, je l’aimais bien. Juste faire dodo, récupérer et me réveiller en me disant que c’est vendredi et que c’est le dernier jour ici, qu’il y a de la bonne musique à faire. Après ce sera Pékin, qui signifie aussi étape finale et retour au pays. Je dois juste terminer le travail ici.
ONZIÈME JOUR
Levé à l’aube pour le tournage mais c’est la tempête et retour au lit. On filme à la sauvette quelques chansons dans nos chambres mais sans grand enthousiasme. Je zone dans la baignoire pendant une heure. Nous filons à la salle, immense et on enfile le soundcheck. Je me prends une longue promenade dans le campus et sa végétation de palmiers, le temps de photographier l’imposante statue de Mao.
J’erre entre les pavillons, sans but, rassemblant de l’énergie pour le show de ce soir. Qui sera très bon, sans doute le meilleur. Grosse ambiance et nous jouons le truc parfaitement. Je bois des bières seul dans le bar de l’hôtel, faisant vaguement causette à un touriste américain qui ne tient pas l’alcool. Je prends congé avant qu’il ne devienne agressif. Ce vieil hôtel me fait penser au Titanic. Un truc magnifique en train de couler.
DOUZIÈME JOUR
Hier après 4h de sommeil, décidément c’est devenu une habitude, long vol de Shanghai à Pékin. On y a retrouvé notre super sympa chauffeur Liu et Huiqi. Juste un saut à l’hôtel le temps de déposer nos affaires et direction le Birdnest, stade olympique. Je suis content de retrouver Pékin. On arrive donc au Birdnest, c’est Kolossal. On est là pour l’inauguration du foyer culturel. On y retrouve Mè Mè, de l’alliance française, une chinoise hyper marrante, qui a le même sens de l’humour que nous. L’humour chinois est très différent, ils ont tendance à ne pas comprendre l’ironie, le second degré.
Nous voici donc dans les entrailles de ce stade, dans les loges hyper luxueuses, à errer avec nos passes VIP. Des œuvres d’art partout, des buffets, des terrasses ouvertes sur l’intérieur du stade, c’est très impressionnant. On plie le soundcheck assez vite. A vrai dire on s’en fout un peu car on sait très bien que c’est de l’événementiel, que personne n’écoutera ce qu’on joue. On est là pour l’argent, ce truc est bien payé. Ceci dit je peaufine le son quand même car l’ingé-son semble avoir deux mains gauches.
Ensuite on visite le stade, on descend même sur la pelouse et c’est vraiment unique. 90.000 places. Des pies jacassent et on nous apprend que pour les chinois cela signifie un message de bonheur et de chance. On picole au vin rouge, très bon d’ailleurs. Philippe et Myriam nous rejoignent et on plaisante beaucoup, ils sont plutôt rigolos. Séance photos depuis les loges VIP du stade. C’est plein de mecs en costard, de journalistes, et tout ça et on se demande ce qu’on fait la quand même un petit peu… En fait on jouera dans l’indifférence générale mais avec le sourire.
On se fait plaisir, on improvise des solos des trucs comme ça. Olivier est crevé et n’a presque plus de voix. Quel contraste par rapport à la date de Shanghai la vieille ou les gens étaient déchaînés, ou on a dû refuser du monde, ou il y a eu une mini émeute à la fin du concert quand Olivier est descendu dans le public pour des photos. Enfin soit. Le truc est bouclé. On nous paye cash et en euros.
La mission est accomplie. La tournée est finie. Je suis vraiment heureux que tout mon boulot préparatoire ait si bien fonctionné. Pas un seul souci technique ni rien. Le truc sonne plutôt bien. Après on a juste déposé les instruments à l’hôtel et on est parti boire des coups pour fêter ça. Nuit chaotique et très drôle. Retour en taxi apocalyptique et nuit improbable. C’était comme le relâchement de tout le stress engendré par cette tournée. Un très long voyage. Mission accomplie. Et je savais que cette journée de samedi allait être très chargée.
Demain c’est la Grande Muraille, la Colline au charbon et une dernière virée dans les hutongs.