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Pierre Dungen, le chanteur du groupe Bertier (chanson française), est passé à la maison pour enregistrer deux reprises acoustiques de classiques de la chanson française. Vous pouvez d’ailleurs les écouter en cliquant ici :
En plus d’être un artiste sensible et inventif, Pierre Dungen est un mec qui « aime bien ne rien foutre ». Un peu fou, intelligent mais pas prétentieux et surtout très drôle… Les ingrédients idéaux d’une interview intéressante et marrante !
Retrouvez la musique et les actualités de Bertier ici
Dans cette nouvelle vidéo nous reprenons un classique de la chanson française : “Comme un avion sans ailes” de Charlelie Couture en duo guitare acoustique/voix avec Pierre Dungen, le chanteur du groupe Bertier.
Petit coup de gueule à la fin de ma dernière vidéo (4:51). On a un magnifique exemple de publicité de la radio publique (Classic 21 – RTBF) qui dépense une somme colossale en campagne abribus pour mettre en avant un artiste qui n’a pas besoin de visibilité. Classic 21 ne prend même plus la peine d’écrire en français dans son affiche.
Ce 8 mars c’est la journée de la femme. L’occasion pour notre chroniqueur Frank Lastköl de radiographier 9 chansons actuelles et de constater qu’elles ont toutes une vision qui n’est pas nécessairement un combat. 9 chansons de femmes très différentes, c’est parti !
1. Axelle Red – Rester femme
On est d’accord, ça reste une chanson et pas un manifeste politique… Le clip est assez postmoderne : Axelle arrive de nulle part, ambiance chantier ou sablière et déballe toute sa penderie, avec l’air de la meuf qui est revenue de tout, dans sa petite caisse sport….
Et bon, on est là pour ça : elle chante.
Laisse-moi rester femme
Laisse-moi rester femme,
Je ferais tout pour t’encourager
Ne pas t’étouffer
Pour que tu m’aimes
C’est ça qu’elle chante. Nous on est d’accord, à part qu’on n’a pas trop compris, là, si son mec, qu’on ne voit pas à l’écran, va la laisser rester femme et donc toute seule, ou si c’est elle qui annonce qu’elle va le laisser être homme. « Pour que tu m’aimes », ben oui, parce que si le couple, c’est de la compression industrielle d’où les deux sortent laminés, étouffés, etc., faut pas s’étonner qu’après les gamines de trois piges beuglent : « libérée, plus jamais, je ne vais t’étouffer ». Au fond, c’est ça le slogan féministe de notre début de millénaire : « libérée… ». Bon d’accord ça aussi, ça reste une chanson.
Je te donnerai tout le temps qu’il faudra
Je ne porterai plus que mes bas noirs
Je ne te demanderai plus de m’appeler
Quand tu rentres tard
C’est une chanson sombre ! Pas vraiment sur la femme-femme, mais sur la difficulté d’un couple. D’ailleurs, à la fin, elle n’y tient pas : elle boute le feu à sa caisse, avec tout ce qu’il y a dedans, y compris les bas noirs. Bon, les bas noirs, c’est pour la rime. En gros, le message c’est : « quand tu rentres bourré, et tu ne sais plus qui est dans ton lit, facile, j’ai mis mes bas noirs et dans le noir, je suis bien (la) seule. Tu ne peux pas me louper ».
Peut-on changer le monde avec des chansons ? En fait oui : le monde des femmes et des hommes en tout cas, puisque la chanson, c’est le mode d’emploi pour survivre en bas noirs dans le soir, faut y croire, tard le soir…
2. Jeanne Cherhal – Quand c’est non, c’est non
http://www.dailymotion.com/video/x1w8ny1
Sur le clip, Jeanne se raconte, ce qui n’est jamais bon signe. Elle a écrit sa chanson « dans un moment de grosse colère ». Ça donne l’énergie, mais bon, on n’est pas encore du côté punk de la planète chanson ! Elle joue bien du piano, le montre… c’est bien, c’est bien. Et puis si le texte dit la colère, le piano dit légèreté baroque, à cent boules l’accordage par un spécialiste, on la comprend un peu, note bien, qu’elle ne va pas taper du poing sur le clavier… Dommage d’ailleurs !
Il était une fois, une fois dans mille
Un homme comme toi, un homme tranquille
Qui dans un désir, violent et soudain
Voulait parvenir trop vite à ses fins
Avec la finesse qu’ont parfois les bêtes
Face à la princesse, il se dit : « suis-je bête »
Entre haut et bas souvent femme varie
Si elle se débat, si pour mieux dire oui
Quand c’est non, c’est non…
Ben là on est d’accord. Pour la Journée des droits de la femme, une petit piqûre de rappel, c’est clair que ça sert. Ceci étant « avec la finesse qu’ont parfois les bêtes », je ne sais pas, mais ça pue le stéréotype rance, parce que les femmes aussi, elles ont le droit à la bêtitude et les hommes parfois ont des réactions de « blonde », on sait tout ça, non ?… Oui, mais il faut le rappeler ! Donc c’est fait. La vraie question, c’est de savoir ce qu’on fait des bêtes dans la chambre à coucher, on les lâche ? On les tient en laisse ? On fait quoi? Dites-le moi dans les commentaires !
Parce que le mot de la fin, c’est que tout le monde a peur du sexe, raison pour laquelle ça fascine, parce que sinon, c’est comme faire de la gym ou du crossfit. Et moi, j’en connais plein de mecs seuls, dans la force de l’âge, qui se débrouillent seuls comme des bêtes, loin de toute femme « en vrai », entre leur salle de gym et Internet, et qui regardent de loin les femmes leur tourner autour avec la hantise des sangliers dans les Ardennes qui ont flairé les chasseurs qui lâchent un prout en descendant de leur 4X4.
Bon, on se calme. Si ça tombe, Jeanne Cherhal n’a pas seulement un « message d’utilité publique » à faire passer : elle a vécu tout ça. Ça laisse des blessures : elle a joué à la princesse et elle est tombée sur le gros lourd qui s’imagine qu’il lit dans les pensées des meufs. Si c’est non c’est oui, et si c’est oui, c’est combien…
Le problème reste entier : les mecs, avec les filles, faut négocier, payer des verres… Parce que si on ne voit que le corps d’une femme et rien de son âme, alors on est dans la salle des machines, même pas au milieu des bêtes, parce que les bêtes, faut savoir, ça peut être très gentil et très tendre.
3. Circé Deslandes – #pathologiecontemporaine
Circé Deslandes – #pathologiecontemporaine
Magnifique clip, très bien foutu, très couillu, osons le mot parce que comme ça on est dans l’ambiance. Gros plans de bouches d’hommes, avec barbe ou moustache, des dents, en très gros plan, c’est révulsif, ce gros plan d’orifice avec du texte de texto ultralourd, comme dans la vie et les réseaux sociaux de l’immédiat, tinder, etc.
Super-drôle la voix très Bardot année soixante qui lypsinch les répliques très formatées du gros lourd en chasse et en chaleur. Circé entre deux grosses bouches qui salivent du mot gras, avec une voix de Lolita. Circé qui déambule avec son physique de déesse, objet de tous les désirs, dans une construction très « logique perverse », tu me suis, là ? Tu me suis ?
Bon évidemment, au fur et à mesure que ce Sprechgesang (parlé-chanté) avance, le pesant se fait très lourd, agressif, teigneux. On est dans une ambiance tags de chiottes, caserne et bordels mexicains.
C’est là qu’on se demande si c’est une chanson. Parce que la chanson, avec mon petit cœur de poète, je la vois comme un souvenir un peu kitsch d’amours de vacances, y compris celle de l’été prochain, un truc de cœur à cœur, et qui fait qu’on va s’y mettre, avec les écouteurs, pour se transporter dans un monde où les mecs ne la jouent pas commando en rape-raid et où le sexe n’est pas synonyme de haine.
Mais bon… tout cela existe, on le sait, et cette chanson, quand même, c’est rudement bien envoyé, c’est même drôle même si l’humour tourne au dézinguage tout azimut… Je ne me ferais pas tout un album de ça, parce que l’impensé de cette très belle réalisation, très produite, très léchée, très beautiful, c’est que ce n’est pas le sexe qui parle comme ça, mais la frustration, celle des moches, des gros, des beaufs, qui savent bien qu’ils désirent bien au-dessus de leurs moyens.
Donc les beaufs, les pas-beaux. Mais dis-moi Circé, as-tu aussi pensé à inverser les perspectives au-delà du lipsynch? As-tu pensé aux femmes au physique ingrat, dis-moi, Circé ? Qu’est-ce qu’elles pensent, elles ? Tu y as pensé, belle comme tu es ? C’est la Journée de la Femme, oui, mais de toutes les Femmes! Et tous les hommes tout mignons inside-out et qui en plus ne sont pas ces ordures dont tu te moques si brillamment.
4. Clara Luciani – La grenade
Et toi ! Qu’est-ce que tu regards ?
T’as jamais vu une femme ?
Qui se bat…
Dis-moi, dans la ville blafarde
Et je te montrerai,
Comme je mors comme je bois
Ton regard
Sous mon sein-là, regarde (à peu près inintelligible)
Petite presta sympa de Clara, « the Band » est derrière, elle est devant, avec une esthétique à la Véronique Sanson, limite vintage, un faux-air de disco. Jolie brin de femme, pas très marrante et qui interpelle avec énergie, sinon aigreur. Bon, d’accord, c’est ce qu’on appelle une « proposition », mais elle me paraît un peu renfermée sur elle-même et du coup, on se demande si le texte n’est pas un prétexte.
Et toi
(…) Je pourrais te blesser oui
Dans la nuit qui frissonne
Y a un psy dans la salle ? Parce que c’est la nuit qui frissonne et c’est elle qui menace, ou alors c’est la nuit qui menace – le sexe, cela fait peur ou cela fait machine, tu mets vint cents dans la fente et hop « c’est la chenille qui redémarre » – et c’est elle qui a peur! Et c’est elle qui fait peur. Comme tous ceux qui ont la trouille et qui se rachètent une conduite en jouant les gros bras… Ah mais oui, mais non, c’est pas un truc de mec, ça déjà ?
5. AS Dragon – Mais pas chez moi
Là on est dans du noir et blanc, sobre, austère, un clip réalisé en mode arte povera, fauché, elle qui chante avec une voix juste au milieu, entre le souffle et la plena voce, mais pas chez moi, se met en scène, faisant du stop. Hmmm métaphore de la drague, l’autostop ? Danger-danger mais aussi plus, si ça se met bien…,
Musicalement, c’est très chouette, sophistiqué au niveau de l’écriture musicale, mais avec du plein-pot derrière, qui fait qu’on ne comprend pas toutes les paroles, loin de là… mais bon, le Net étant ce qu’il est, j’ai retrouvé le texte :
Chez les autres filles, il y a des draps, mais pas chez moi.
Et chez les autres filles, on se sent chez soi, mais pas chez moi.
Chez elles c’est sans danger.
On reste sans hurler,
dans ces lieux décorés,
Où les murs se cassent, où tout m’est étranger.
Chez moi c’est rien, ça n’existe pas.
On s’y sent mal et tout est fait pour ça.
Chez moi le vent, il ne passe pas,
c’est plein de choses qui ne sont pas pour toi.
Non ce n’est rien c’est bien pire que ça,
c’est quelque chose que l’on oublie pas.
Chez moi les gens ils ne respirent pas,
et toi non plus tu n’en sortirais pas.
Du trash et des baisers,
je voudrais oublier,
dans un lieu sans passé,
le bruit de mes murs et leur odeur cassée.
Belle écriture, belle voix, beau « tout » quoi. Mais derrière la surface lisse, on sent un petit trauma très enfoui. Les autres et moi : les autres ça va, mais « pas chez moi ».
Chanson directe, limite unisexe, dans la mesure où elle parle des femmes sans parler des hommes, sans s’opposer à eux – eux et moi, toi et moi, etcetera – et elle parle des femmes selon qu’elles vont bien ou non, qu’elles hurlent ou non, qu’elles se font chier ou non. Ca reste ouvert sur l’auditeur, mais sans tout balancer, sans tout dire, sans l’obscénité de l’aveu : « et toi non plus tu n’en sortirais pas ».
Ça mériterait un guitare-voix, cette chanson-là, qu’on entende quelque chose du texte…
6. Adrienne Pauly – J’veux un mec
« Embrasse-moi ou je meurs ». Chanson directe, voire même directive, qui sonne vrai. Style trash au niveau du texte, mais clip très classe, sophistiqué. On sent dans la distance entre le parler-bourrin et la robe à mille boules que tout cela est vécu, qu’on a des habitudes qui viennent d’un milieu où on n’a pas froid aux yeux. Pince-moi : serais-je en train d’écrire une chanson là ? Adrienne tu écoutes un peu ?
J’veux un Mec
Viens Le Mec
—-
Ton avis
J’en ai rien à foutre
Tes amis
J’en ai rien à foutre
Ton boulot et ta gym
Ton mal de ta clim
Ton âme
J’en ai rien à foutre
Ton argent encore moins
Ta psy et tes horaires
Ecoutes moi !
J’adore. D’abord parce que moi aussi, je me vois bien lâcher mon prout dans un chesterfield trois-places à dix plaques, avec un whiskard série limitée bien en main, dans du beau cristal, et pourquoi pas ? Ce que je veux dire, c’est que par rapport aux autres chansons comme celle de Circé, on n’est pas dans du lourd bio, où c’est sale dedans dehors, et que tu te barres du maga alter avec tes pommes de terre dans les mains et la terre avec, vu que le sac plastique, c’est pas halal. Là on a droit à son petit sac tout chic, avec plein de délicieux trashouille dedans…
« Ton âme, j’en ai rien à foutre »…
Et si justement, chez les mecs, c’est l’âme plutôt que la bête qui faisait problème chez les femmes qui savent ce qu’elles veulent ? Mmm… Bon, ça reste une chanson. On faire de la tarte aux pommes pour son mari qui revient du jogging et qui lit Heidegger et par ailleurs pousser la chansonnette en se lâchant, enfin, un peu, et oser chanter à pleine voix « J’en ai rien à foutre… ». Et nous y voilà, car Messieurs-Mesdames, quoiqu’on veuille, quoiqu’on fasse, vient toujours ce moment fatidique où on use du mot « foutre » en faisant semblant d’oublier ce que ce mot, au départ, voulait dire. Enfin il n’y a pas qu’elle qui a des obsessions sexuelles, je t’invite à lire notre article sur Benjamin Biolay ici.
Délicienne Adrieuse qui chante, fatiguée d’elle-même :
« Ah ! Si tu pouvais
Tu pouvais m’faire taire »
Elle a tout compris, non ?
7. Rose – Je compte
Jolie chanson monomaniaque avec Rose dans tous les plans, très jolie fille. On a le droit, non ? Si je disais qu’elle est moche, on m’en voudrait aussi, mais pas pour les mêmes raisons…
Est-ce que c’est le manifeste pour la Femme ? Non bien sûr. C’est une variation de songwriter sur « je compte », un gimmick et toute la chanson est construite là-dessus, avec une structure un peu obsédante. Donc j’achète pas…
Je compte les jours, les calories, mes dépenses, mes économies, les paires de bottes
Je compte les clopes, les voyages que j’fais pas, les heures loin de toi
Je compte, je compte, je compte encore
Juste pour compter, pour le confort, l’argent qu’il resterait pour vivre sans compter
Moi, je n’y crois pas. Le jeu de mots dans le refrain, très malin, finit dans de l’incompréhensible « je compte à rebours, à l’envers ton amour », mais bon, c’est une chanson, pas une thèse, on est d’accord.
Je compte à rebours, à l’envers mon amour
Je compte sur toi, c’est plus fort que moi
Je compte à rebours, à l’envers ton amour
Je compte pour toi, c’est plus fort que moi
Bien sûr, le point de départ, ça le fait : elle compte ses calories et ses clopes. Le message est que la femme-femme d’aujourd’hui, celle qui est aussi mignonne que Rose, elle doit gérer son sex-appeal comme un crédit-hypothécaire, avec des remboursements et l’obsolescence programmée de la jolie frimousse qui, entre le surpoids et la clope, va vite se faire un look de rentière maussade, obsédée par l’argent et qui compte parce qu’il n’y a plus que l’argent pour la faire bander. Parce que l’argent et le désir, ça circule dans les deux sens, mais ça c’est le message subliminal, celui qu’on n’attendait pas et qui donne un petit air très bidonné à toute l’entreprise. Mais bon, zique jolie, jolie frimousse, mec ombrageux qui sort du flou et qui parfois traverse de ses mains ses jolies boucles qui ont coûté un bras pour que ça donne si bien !
Parce que la question qui transpire de tout cela : c’est vraiment elle qui compte, donc c’est vraiment elle qui paye, ou pas ?
8. Mademoiselle K – Jalouse
C’est de la sincérité bien imitée ! Voix granuleuse, accompagnement présent sans être obsédant, guitares des copains et texte bien audible, c’est déjà ça.
Le manifeste de la femme jalouse qui s’assume, contradictions en full option. On aime, on accepte, parce qu’elle ne parle que d’elle et qu’on est du coup enclin à l’indulgence. C’est vrai, qu’elle en a aussi besoin, un petit peu en tout cas, même si cela va au-delà de la posture :
J’suis jalouse à en faire trembler les gens,
À faire trembler mes jambes,
J’ai plus qu’à plonger en silence,
J’pourrais flotter inerte, tu t’en balances,
Et ça me ronge ça me pourrit,
Ça me rend dingue, ça me fout en l’air,
Quand je sais que tu t’envoies en l’air,
De l’air, de l’air, de l’air,
Bon plan, l’hystérie clinique du « je veux plus que tu ne pourrais jamais me donner », avec des phrases-clef telles que « Est-ce que tu souffres autant que moi ? Si c’est moi j’te le pardonnerais pas, ah. » Voix brutes avec des vocalises (« ah ») en sortie de piste tout à fait raccord avec la personnalité de chieuse assumée.
Mais au-delà du plan perso, avec cette personnalité borderline portée en étendard, c’est quand même le destin de la Femme(1) de vouloir plus que ce qui est possible, de vouloir autre chose que ce qui se donne, d’être encombrée par son désir, son vouloir (ce qui n’est pas la même chose). Parce que le plan à deux, c’est le ying-yang du désir et de la souffrance, comme si là aussi, ça circulait entre les deux.
9. Juliette Armanet – L’amour en solitaire
Chanson maline, très écrite, très jouée, avec une voix où se reflètent mille styles assez reconnaissables, bon, voilà, c’est comme ça…
Qu’est-ce que ça dit de la Femme ?Qu’elle est seule et qu’elle en souffre.
Solo dans ma peau, sur la plage
J’me la joue mélo, je drague les nuages
Solo dans ma fête, c’est dommage
A deux c’est tellement chouette
D’fumer des cigarettes, sur la plage
Solo dans l’bateau, je mets les voiles
(…) Où es-tu mon alter, où es-tu mon mégot
Pour moi t’étais ma mère mon père mon rodéo
Je traverse le désert l’amour en solitaire
Là on ne sait pas si elle est seule parce qu’on l’a plaquée ou qu’elle est seule parce que… « où es-tu mon mégot ? ». C’est fou ce que les exigences de la rime peuvent surexciter l’inconscient ! Qui voudrait se faire décrire comme un mégot, sans parler de ce qu’elle a dû fumer de ce pauv’type, la pauv’fille, pour arriver au bout d’un tel cigare. Allez Juliette, faut faire un peu attention, y a ton âme qui dépasse, là, ça fait débraillé.
Et donc la voilà qui rame dans son bateau, plein de mégots des types qu’elle a vampirisés jusqu’au filtre. C’est vraiment ça l’idée ? Non bien sûr! Le thème, ce n’est pas les mecs qui n’ont pas encore commencé à exister puisqu’il sont alter. On a envie de compléter « alter égo » et cela donne « alter mégo ». Ou alter mégalo, c’est selon !
La vie comme un cendrier, quoi…
Et toi? Que penses-tu de notre analyse de la femme dans tous les sens à travers ces neuf chansons et ces neuf voix? Les femmes ont-elles finalement besoin des hommes, des vrais mecs? Ici on pense que oui, bien sûr ! Mais toi, qu’en penses-tu? La journée de la femme est-elle un combat illusoire selon toi? Dis-le moi dans les commentaires 🙂
(1) Et de l’homme, s’il s’accepte comme débordant du stéréotype du gars mutique, en muscle, montagnes, crossfit et toutes ces conneries
Les femmes ont-elles finalement besoin des hommes? Dis-le moi dans les commentaires !
C’est mon pote Frank Lastköl qui s’est occupé d’analyser les textes. Je lui ai envoyé les chansons hier soir. Il a réagi au quart de tour juste avant de passer sur le billard pour un problème de mâchoire. Il fait de la boxe et s’est pris un uppercut juste avant d’envoyer le mec au tapis. Il m’a dit avoir écrit tout ça avec un sac de glace collé au visage et une bonne dose d’Apranax. Ceci explique peut-être cela…
Sélection musicale : Vincent Vanhoutte. Allez voir sa chaîne Youtube remplie de très chouettes vidéos de concerts.
Benjamin Biolay – Confidences sans cire d’un chroniqueur de courts métrages politiques. Quand chanson, sexe et politique se rejoignent !
Brel avait dit un jour à Gainsbourg : « tu réussiras quand tu prendras conscience que tu es un crooner ». Ce à quoi Gainsbourg a répondu: « T’es fou avec la gueule que j’ai, c’est pas possible. Eh bien faisons un flashback, tous mes tubes sont ceux d’un crooner : Je t’aime moi non plus, L’eau à la bouche, Je suis venu te dire que je m’en vais, La javanaise… » Sans pousser la comparaison déjà forcée et mille fois éculée avec Gainsbourg, on revient à ce parallèle étonnant avec Biolay. Si on opère le « bilan Biolay » en 2017, les chansons les plus aimées si j’en juge par les réactions du public sont « Les cerfs volant », « La superbe », « Ton héritage », « Jardin d’hiver », sont des chansons de crooner nostalgique, chose qu’il n’y a pas à mon sens chez Gainsbourg. Et un côté beaucoup moins cynique et davantage brute de décoffrage sincère (sans cire comme le miel). Pourtant il s’en dégage une dimension politique bien plus subtile qu’il n’y paraît. C’est ce que je tente de montrer dans cet article qui met aussi en évidence les innovations musicales à chaque opus du lyonnais.
Mythologie américaine
Les premiers albums de Biolay touchent encore peu à la dimension politique. Il développe une approche photographique pop léchée sous fond de mythologie américaine, comme pour se démarquer déjà des références françaises. Ceci n’est pas nouveau : Gainsbourg était déjà hanté par Marylin. Le rêve américain tourne court. Son deuxième opus, Négatif, tourne au road movie noir. Il est peuplé de bad boys qui contrastent avec l’harmonie familiale (pourtant tragique) des Kennedy. J’ai eu l’impression que Benjamin nous faisait en chanson le coup de Claude Sautet avec « Les choses de la vie » et « Max et les ferrailleurs ». Déconstruire le monde bourgeois et ses tourments feutrés pour l’emmener vers la rue, la prostitution et la mafia. Scansions urbaines et nostalgie rythmée par les violons, effluves sexuelles et mysticisme, nappes synthétiques et cordes de cinéma. À chaque album, une innovation musicale tout en conservant l’unité de l’œuvre. Samples de Marylin Monroe et cordes à la John Barry dans « Rose Kennedy », clavecins, guitares folk et poésie romantique noire baudelairienne dans « Négatif ». Il parle de ces « brunes déités » un peu malsaines, qui hésitent entre l’amour et la mort (Glory Hole), pop anglaise et contre-chant ténu de Chiara. « Home » prolonge de façon solaire le voyage « négatif » dans ses sonorités folk (Billy Bob sur les routes de la « Ballade du mois de juin »).
Penser la guerre froide et la libération sexuelle
Première incursion dans le cinéma, « Clara et moi » synthétise les apports de chaque album. On retrouve le piano romantique dans « Nuage noir », le clavecin dans le « Dernier jour de la dernière chance », les cordes dans les instrumentaux qui accompagnent Rilke. « Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de choses ». Des mourants dans la chambre, savoir le mouvement des petites fleurs qui s’ouvrent le matin… Rupture et continuité avec « A l’origine ». Le hip-hop, la scansion urbaine et les chœurs d’enfants. Biolay interroge les racines et l’éclatement de l’identité (est-il un garçon ? une fille ? ni l’un ni l’autre ? a-t-il voté pour Monsieur Bush comme les autres ?). À l’origine, Marx rime avec anthrax et les armes à feu en plastique. La Poupée de cire est-elle celle de Gainsbourg ? Constat sur l’évolution des idéaux de jeunesse et de l’insouciance vers le trop grand sérieux quand on a plus 17 ans. Ou plutôt vers le conformisme généralisé. De l’ouverture des possibles au nihilisme. « À Colombine, il va y avoir un carnage, en haut des cimes, il n’y avait que les nuages ». « À l’origine on avait pas de pétard/Mais les cheveux en pétards ». Les chœurs d’enfants se mêlent aux cordes dissonantes. Garder le calme devant la dissonance. L’album le plus profond de Biolay à mes yeux. Le cinquième album « Trash Yéyé » explore la sexualité graveleuse dans une époque post-moderne, post-soixante-huitarde. Le fantôme de Chiara Mastroianni hante les plages de l’album : « rendez-vous qui sait, quand je serai gris/Quand tu seras blonde ». Un des plus beaux vers jamais écrit, dans lequel les obsessions politiques et sexuelles de Benjamin Biolay s’affirment dans un alliage surprenant : « Soviet suprême/Toi mon plus beau problème/Dans ton abdomen/Un tout nouveau spécimen/Dans la merco benz/C’est de l’espoir que je promène ». Benjamin Biolay, dans sa magnifique chanson « Merco benz » établit lui-même ce parallèle entre l’amour au sens d’Eros et le communisme : « Soviet suprême/Toi mon plus beau problème/ Dans ton abdomen/Un tout nouveau specimen/Chou à la crème/C’est de l’espoir que je promène ». Cette strophe est d’autant plus puissante qu’elle donne à penser l’amour dans le contexte du capitalisme contemporain. Tel est le propre des grandes chansons : livrer à ses contemporains une description des contradictions de l’esprit du temps. Intriqué dans un imaginaire hérité du romantisme, du communisme et du capitalisme, le héros maudit est un produit de cette idéologie de l’amour. De la petite princesse à la petite connasse, ce « Soviet suprême » qui guide le héros l’immobilise dans cette Mercedes dont il caresse le volant comme pour mieux contrôler sa vie qui vole en éclats. Arrangements audacieux (Bien avant, De beaux souvenirs, La garçonnière) dans lesquels Benjamin Biolay revisite les chorales des films de Walt Disney et des chansons de Bing Crosby. On croit entendre le vent d’hiver souffler à travers les cordes et les chœurs.
Se rapprocher de soi
Avec « La superbe », Benjamin Biolay revient à un double album, pendant solaire de « Négatif ». Benjamin Biolay persévère dans les scansions urbaines. Il innove avec les saxophones dissonants et les synthétiseurs baroques. « La superbe » condense les cordes sixties de John Barry, la prosodie de « A l’origine », les vers baudelairo-gainsbouro-bashungiens. Bref, du Benjamin Biolay : l’abribus rime avec l’Angélus, le verre de Campari et le bon vouloir de l’équipage. Serge Gainsbourg jouait sur les lettres, Benjamin Biolay joue sur le langage sms sans jamais céder à la facilité et à la vulgarité d’une certaine chanson française soumise à l’esprit du temps. Chez Benjamin Biolay, le sacré reste présent. « A plus », d’accord, mais le « + » est une « croix ». « Déçu de tout ». Fin des « Idées » régulatrices si chères à Platon ou à Badiou. Biolay philosophe. Avec l’air de ne pas y toucher, « en dilettante à temps partiel ».
L’exil argentin
Album inégal de « featuring »,Vengeance est un album dans lequel Biolay cherche les différentes facettes de lui-même à travers les autres (le côté romantique avec Vanessa Paradis, le côté nocturne rappeur avec Oxmo Puccino, le côté anglais avec Carl Barât). Patchwork des œuvres précédentes (superbe ballade piano avec les confettis, chanson abandonnée sur un album précédent ; hip-hop symphonique avec Orelsan ; ballades guitares avec Profite ; vengenza suite ratée à mon sens du morceau Buenos Aires de la Superbe et avant-garde de Parlermo Hollywood), Benjamin Biolay se perd, part en Argentine et part pour mieux se retrouver et photographier Paris à distance. Il offre ainsi son troisième double « Palermo Hollywood » et « Volver ». Après Rose Kennedy et Billy Bob, il met en scène un nouveau personnage « Miss Miss ». Entre l’Amérique latine, l’Espagne et Paris. Une chanson aborde les licenciements abusifs et l’aliénation du capitalisme dans « ressources humaines » et la question de la foi et de ses dérives (Miss Miss, La noche y a No existe, Happy hour). Entre une terrasse et une église, Benjamin Biolay arpente la nuit urbaine. En lui gronde la ville et ses rumeurs. Des arrangements toujours plus maîtrisés qui, du fait du syncrétisme avec la musique argentine (et la présence du charango ou bandonéon), offre un contrepoint solaire et dansant à la pluie dissonante de cordes typiquement biolaysiennes. Nous sommes dans un western à la Morricone, plus « campagnard » dans « Palermo » (même si rien ne sonne totalement bucolique chez Biolay sauf dans le premier album) et plus urbain dans « Volver ».
Fin de fin de l’histoire : l’amour comme nouvel horizon ?
Du Soviet à la Merco benz. De Karl Marx à l’anthrax. Fin de la grande Histoire et ses grands récits soi-disant émancipateurs. De la lutte des classes à la guerre bactériologique, il n’y a qu’un vers. Il n’y a qu’un pas de clerc. Et « pas d’éclair sur ta poupée de cire ». Constat sociétal sur les licenciements abusifs du système néolibéral (Ressources humaines et la nov langue) ou sur le désenchantement des idéaux de jeunesse en Biolay qui se pose comme « euchariste » ou encore de l’insouciance vers le trop grand sérieux quand on a plus 17 ans. Abordage sans naufrage de la question du religieux. Toutes ces thématiques, Benjamin Biolay les susurre comme une confidence dans un bar à trois heures du matin, comme un Hank Moody sooo français. Quelle nouvelle configuration à créer car l’oiseau prend son envol à la tombée de la nuit ? Chanter, créer des courts métrages musicaux comme autant de voyages fantasmés entre Marylin Monroe, John Barry, Almodovar, Dr. Dre ; attendre l’abribus ou l’Angélus, le verre de Campari ou le bon vouloir de l’équipage… Et, dans l’aventure de tous ses détours, de toutes ses débandades et rhums en rasade, Benjamin Biolay revient toujours comme une pierre de touche angulaire à Chiara Mastroianni. Personnage métaphorique, elle incarne une figure particulière de la Muse: celle qui ne tourmente pas, celle qui apaise, mais qu’il faut sans cesse fuir car sinon l’œuvre s’arrête. Elle est l’élément aquatique qui passe dans le fleuve et ne cesse de se mouvoir dans la permanence. Le bateau qui s’en va ou s’enivre… L’amour, dernière idéologie, dernière religion dans les pas d’un héritage tortueux ? Comme dit René Char, l’héritage n’est précédé d’aucun testament. L’amour, la religion de la fin de la religion comme dit l’autre. Suite au prochain opus.
(à suivre)
Cet article invité a été écrit par Olivier Terwagne, auteur compositeur interprète en chanson française. Retrouvez-le sur Youtube ou Facebook.
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