Comment écrire une chanson? Le secret pour réussir est évident !

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Claude Lemesle m’explique les bases pour bien écrire une chanson. Photo : Sophie Vinclaire

J’ai eu la chance de rencontrer Claude Lemesle dans son appartement parisien. Il m’a expliqué beaucoup de choses très intéressantes sur comment écrire une chanson! Dans son livre « L’art d’écrire une chanson » il partage d’ailleurs toutes ses techniques pour mieux écrire. Un bouquin qui m’a complètement renversé. Claude Lemesle a également accepté que je l’accompagne à la guitare sur La demoiselle de déshonneur (à voir en vidéo ici). Comme j’ai trouvé l’entretien très riche, j’en ai fait faire la transcription et j’ai décidé de la publier ici.

Transcription texte (littérale) de l’interview :

CLAUDE LEMESLE : Moi la seule chose qui m’intéresse chez un jeune qui désire écrire … c’est la passion ! Parce que c’est très difficile – encore une fois – d’écrire, donc s’il a pas la passion, ça ne marchera pas. S’il a la passion ben il va avoir la curiosité, justement, d’aller chercher toutes les informations, de lire les choses qui peuvent l’aider, d’écouter beaucoup aussi ! Pour pouvoir être en capacité de donner aux autres, il faut prendre beaucoup, il faut se nourrir beaucoup…Il faut avoir une grande culture de la chanson ! Moi tous les grands auteurs de la chanson que je connais, ils connaissent énormément de chanson par cœur, énormément. Comme ça ils emmagasinent énormément d’informations ils sentent bien, comment ça fait quoi… C’est l’essentiel la passion.
Et puis bon, c’est un petit peu aussi comme en sport, moi je suis un passionné de sport et de foot en particulier, il y a des joueurs dont on dit « il a l’instinct du butteur », et c’est vrai ! Il y a des gens qui sont d’excellents joueurs mais qui marquent très peu de buts, ce n’est pas dans leurs qualités. Je crois qu’il y a un instinct de la chanson aussi, je crois que pour vraiment réussir dans le métier de l’écriture de chanson, il faut avoir cet instinct-là. Il y a des gens qui sentent bien la chanson, moi je les repère tout de suite dans un groupe, quand je fais des ateliers d’écriture.

OLIVIER JUPRELLE : Et vous les repérez à quoi alors ? Si vous pouviez mettre des mots dessus… ou alors non ? Vous le gardez pour vous ça peut-être ?

CLAUDE LEMESLE : Non ! Je ne le garde pas du tout pour moi. Ce livre est la preuve que je ne garde absolument rien pour moi.

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OLIVIER JUPRELLE : Alors comment vous sentez… celui qui a…

CLAUDE LEMESLE : … mais ce n’est pas définissable…

OLIVIER JUPRELLE : Non parce que là c’est vraiment de la technique mais peut-être que justement celui qui a l’instinct…

CLAUDE LEMESLE : Mais c’est la seule chose qui peut se transmettre la technique, comment voulez-vous transmettre autre chose ? L’inspiration ça ne se transmet pas !

OLIVIER JUPRELLE : Bien-sûr, mais le fait que vous arriviez à sentir celui, dans un groupe qui n’a pas encore nécessairement acquis toute la technique, toute la connaissance mais vous sentez que lui, il a ce quelque chose, « l’instinct du butteur » ?

CLAUDE LEMESLE : C’est l’habitude, je ne peux pas le définir… Mon flair s’est aiguisé au fur et à mesure des années, je ne peux pas définir comment ça se passe, je n’en sais rien, je n’en sais absolument rien ! Pourquoi je le sens chez certains… Il y a des filles ou des garçons qui arrivent dans le groupe, qui paraissent aux yeux et aux oreilles des anciens nullissimes…  Nullissimes… Qu’aucun d’entre eux ne prendrait. Qu’aucun d’entre eux ne prendrait. Et moi je les prends parce que je sens qu’il y a quelque chose, mais vous dire pourquoi et comment ça se passe ? Je n’en sais absolument rien. Moi je me souviens avoir interrogé Jacques Canetti là-dessus, c’était le grand découvreur de talents des années 50 à Paris. Je lui avais dit « moi je connais les deux chansons que Jacques Brel vous avait envoyé, je les trouve très, très mauvaises… ». Moi qui suis un passionné de Jacques Brel mais c’était deux chansons à ses débuts, franchement celles-là elles n’étaient pas bonnes du tout. Et je lui dis :
« Comment vous avez fait, pour percevoir derrière ces deux chansons vraiment ratées, qu’il y avait un immense talent ? » Et il m’a répondu : « Pourquoi ? C’était évident. » Mais si je lui avais demandé d’expliquer pourquoi, il n’aurait pas pu, c’est évident c’est tout. Moi quand je vois ces talents-là, pour moi c’est évident, mais vous dire pour quelles raisons ? Je n’en sais absolument rien.

OLIVIER JUPRELLE : Ok, tout à fait, super.

CLAUDE LEMESLE : Au Canada un jour on était avec Mireille, parce que j’ai fait ce petit conservatoire de Mireille, et l’animateur de radio canadienne lui demande : « mais comment faites-vous pour repérer les talents des jeunes ? » Et la seule chose qu’elle a répondu, pour vous montrer que c’est indéfinissable : « Parce que je vois une petite lueur dans leurs yeux là. » Voilà! Mais ça, ça peut se voir chez les artistes mais chez les auteurs (rires) c’est devenu une petite lueur dans leur plume ? Leur stylo bille ? Non je n’en sais rien…

OLIVIER JUPRELLE : La passion c’est vraiment la base de tout quoi, sans passion c’est impossible et après la technique peut se développer mais il doit y avoir cette envie fulgurante…

CLAUDE LEMESLE : Ce n’est pas qu’elle peut se développer, elle doit ! Elle doit se développer. Oubliez pas ce que Brassens disait dans une de ses chansons « L’avait l’don, c’est vrai, j’en conviens, l’avait l’génie, mais sans technique, un don n’est rien qu’un’ sal’ manie. »

OLIVIER JUPRELLE : Vous en parlez aussi dans le livre ça !

CLAUDE LEMESLE : Les seules personnes que je ne prends pas à l’atelier mais c’est très rare, c’est les personnes qui me disent : « ah non, moi je n’écris que lorsque j’ai l’inspiration ». Alors je leur dis de suivre les ateliers de leur inspiration mais de ne pas venir chez moi…

OLIVIER JUPRELLE : Oui bien-sûr, parce qu’à partir du moment où il y a un atelier on est là pour justement développer une technique, une compétence et on n’attend pas que l’inspiration tombe du ciel.

CLAUDE LEMESLE : L’inspiration j’en parle dans mon livre, il y a un extrait, un très beau texte de Roger Caillois et c’est Jules Renard qui disait, « L’inspiration n’est sans doute que la joie d’écrire, elle ne la précède pas. ». Caillois dit très justement que c’est le poète qui crée l’inspiration, ce n’est pas l’inspiration qui crée le poète. C’est sûr et certain. Je cite une phrase assez marrante de Jean-Louis Murat…

OLIVIER JUPRELLE : Tout à fait, et je l’ai reprise d’ailleurs, je l’ai mise et attendez je vais la retrouver comme ça de mémoire, « L’inspiration c’est un truc inventé par les branleurs… », un truc comme ça ?

CLAUDE LEMESLE : « …par les branleurs sans talent. »

OLIVIER JUPRELLE : « …sans talent  » voilà c’est ça !

CLAUDE LEMESLE : Il faut qu’un auteur qui est devant sa feuille blanche se pénètre…de ce qu’il va devoir écrire !

OLIVIER JUPRELLE : Et vous parlez aussi de la routine, le fait d’écrire tous les jours, de vraiment enclencher la machine tous les jours…

CLAUDE LEMESLE : Ah il n’y a pas de routine ! Surtout pas !

OLIVIER JUPRELLE : Oui enfin je veux dire de trouver quand-même, d’être discipliné, tous les jours… C’est ça que j’entends par routine quoi… Mais en tout cas de tous les jours s’y mettre quoi. Voilà.

CLAUDE LEMESLE : Oui… Ben c’était Zola qui avait dans son bureau, je crois que c’était à Médan, dans sa maison de campagne. On peut toujours la voir d’ailleurs, une phrase latine : « Nulla dies sine linea »

(À l’unisson) : « Pas un jour sans une ligne. »

CLAUDE LEMESLE : (acquiescement) Eh oui. Vous savez c’est comme un chanteur qui va passer 3 ou 4 ans sans chanter. Après il va falloir qu’il retravaille drôlement sa voix pour que ça le fasse comme on dit aujourd’hui.

OLIVIER JUPRELLE : Oui tout à fait c’est comme le sport si on arrête il faut s’y remettre et c’est très dur le chant c’est la même chose c’est un muscle qu’il faut continuer à entraîner et donc l’écriture c’est la même chose c’est aussi un muscle en fait.

CLAUDE LEMESLE : Ben je dis toujours que l’écriture, c’est comme l’amour, plus on le fait plus on a envie de le faire. Voilà.

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